LE RATTACHEMENT DE NICE ET DE LA SAVOIE


Réunion de la Savoie à la France - Allégorie publiée à l'occasion du cinquantenaire - lithographie couleur extraite du Petit Journal - 18 septembre 1910



Les habitants de la campagne et de la ville de Nice se rendent au scrutin par le faubourg et le Pont-Vieux (dessin par Zrachel)


 Création le 15 juillet 2010

C'est un véritable plaisir d'ouvrir une nouvelle livraison de la Revue du Souvenir Napoléonien, somptueuse. Celle d'avril/mai/juin 2010 nous gâte particulièrement. On peut y trouver en particulier un article de Jean des Cars sur le rattachement de Nice et de la Savoie en 1860. Un double et spectaculaire agrandissement du territoire national, le premier depuis fort longtemps, qui ne soit pas le résultat direct d'une guerre ou d'une conquête, mais au contraire l'expression de la volonté des populations concernées. Et pourtant, dans cette affaire, on retrouve le mécontentement d'une majeure partie des puissances européennes. 

 Le 22 décembre 1859, l'Empereur conseille au pape de se contenter de Rome et de ses environs : "Plus le territoire sera petit, plus le souverain sera grand". Fureur pontificale : Pie IX parle d'un "monument insigne d'hypocrisie, tissu ignoble de contradictions". Les notables catholiques français s'agitent. Napoléon III veut, en fait, soutenir l'unification italienne au détriment des territoires de la papauté ... et en espérant obtenir Nice et la Savoie à titre de compensation. 

Les réactions européennes sont toutes négatives. A Vienne, on parle d'un "pourboire" ; à Turin, Victor-Emmanuel avoue que cette situation lui est pénible. A Londres, la reine Victoria écrit : "Nous avons été dupés". La Belgique et la Suisse se sentent menacées. Napoléon III est considéré comme dangereux. Enfin le 24 mars 1860, le traité de Turin stipule le consentement à ce transfert de souveraineté "à condition que la réunion soit effectuée sans aucune contrainte de la volonté des populations". 

L'opération commence par Nice : 6 810 oui et 11 non. Puis, pour l'ensemble du comté de Nice : 25 743 oui et 160 non. Enfin la Savoie : 130 000 oui et 235 non. C'est l'euphorie. Le 23 août, le couple impérial quitte le palais de Saint-Cloud par train spécial à destination de la Savoie, plus proche de Paris que Nice. À Annecy, un grand spectacle est donné sur le lac illuminé. Napoléon III et son épouse y assistent dans une ... gondole garnie de velours vert. Partout des fleurs, des arcs de triomphe et des inscriptions comme celle-ci "Cœurs, têtes et bras, tout pour l'Empereur, tout pour la France". 

À Chamonix, le couple impérial et sa suite font une expédition sur la mer de Glace. Le 5 septembre, le couple impérial se dirige vers Nice, accompagné cette fois du Prince impérial, âgé de 4 ans ; il faut dire que les Savoyards avaient été vexés : "Madame, pourquoi n'avez-vous pas amené le petit ?". Les préparatifs sont poussés au maximum, de nombreux étrangers arrivent, les hôtels sont complets. Il y a bien une inquiétude : manquera-t-on d'étoffes pour la confection des drapeaux français ? Toutes les autorités administratives et religieuses ont incité les habitants à pavoiser. 

Les souverains arrivent à Nice sur le navire "L'Aigle" en provenance de Toulon. Tout le long du chemin, ce ne sont que vivats et applaudissements qui nourrissent l'immense manifestation populaire. Vient ensuite l'heure des compliments. Après une révérence, en présentant son bouquet, Mathilde Malaussena, la fille ainée du maire dit, avec assurance : "Madame, daignez accepter ces fleurs, modestes emblèmes du sentiment de Nice qui n'a d'autre désir et d'autre besoin que de vous aimer et de vous plaire." Eugénie répond : "Qu'elles sont charmantes, ces jeunes filles ! " Et, dans un grand élan d'affection, elle les embrasse toutes. 

 Un immense défilé commence, précédé des drapeaux et des bannières de toutes les communes de l'ancien comté de Nice. Au milieu des acclamations, on perçoit les sons graves des tambourins, et ceux, aigus, des flûtes. Les hommes jettent leurs chapeaux en l'air, les femmes des marchés lancent des fleurs et envoient des baisers, des gamins font partir des pétards ... Le soir, grand bal, et concours d'élégance entre les Niçoises et les Parisiennes. 

Le lendemain, de tous les villages des environs, des paysans sont accourus en famille, avec leurs costumes pittoresques et regardent le cortège impérial. Napoléon III, dont on connaît l'intérêt et la compétence pour les grands travaux en tous genres, examine attentivement le chantier de l'endiguement du Var, commencé depuis longtemps et qu'il entend achever au plus vite, comme un symbole. 

Ce séjour se termine par un banquet à l'hôtel de ville. Petit détail : dans le haut pays niçois, sur le canton de Tende, le roi Victor-Emmanuel II avait l'habitude de chasser. Par courtoisie, Napoléon III exclut ce territoire de la cession. Il faudra attendre un référendum et la loi du 15 septembre 1947 pour que Tende soit définitivement français.

Puis l'Empereur, sa famille et sa suite s'embarquent sur l' "Aigle" à destination d'Alger.