L' ÉTÉ EN ENFER






"Les dernières cartouches" - tableau de Alphonse-Marie-Adolphe de Neuville

Création le 5 octobre 2011

 
Le Général de Gaulle disait "Quel naufrage, la vieillesse !". Ô combien de marins, combien de capitaines en voulant étreindre un gouvernail qu'ils ne dirigeaient plus ont conduit leur bateau aux abîmes, ravagés par une maladie toute puissante.

La fin du IIème Empire est fort bien racontée aux éditions Actes Sud par Nicolas Chaudin. Mais n'a-t-il pas omis les prémices, soit les 40 jours de la tournée des popotes en Algérie en fin de printemps 1865 d'un côté et la guérilla mexicaine de l'autre ?

La maladie de Napoléon III, apparue en 1864, s'est développée dans les cahots de sa visite complète de l'Algérie en 1865. Quant à Eugénie, elle a eu l'occasion de goûter, certes brièvement, aux délices de la Régence pendant ces 40 jours.

Et pour ce qui est de la guerre du Mexique - cette expédition exotique insensée - elle a caché derrière les uniformes de l'État major de très graves déficiences de l'armée française, qui devaient être fatales devant une armée bien organisée comme pouvait l'être l'armée allemande.


Napoléon III, fin politique, n'était pas stratège militaire pour un sou. Il s'en est remis à ses courtisans, qui se sont montrés devant l'épreuve comme des "tigres en papier". Pourtant Napoléon III ne voulait pas la guerre, et qui plus est souhaitait libéraliser le management de l'Empire.
Deux signes interprétés comme des faiblesse, et exploités comme telles. Par le jeu des surenchères, la guerre éclate. Et la mobilisation se fait dans la cohue du côté français. Quelques semaines auparavant, il ne manquait pas un bouton de guêtre. Soudain, on envoie au "front", pour gagner du temps, des conscrits civils, qui seront équipés et armés face à l'ennemi. C'est une pagaille folle. Puis on attend, l'arme au pied, que les Prussiens attaquent, en leur lançant des lazzis très cocardiers. Pour meubler le temps, on lance une petite attaque en guise d'échauffement, et on évacue.

On avait compté principalement sur le fusil Chassepot, le meilleur des fusils, mais les Allemands avaient les meilleurs canons. Point de patrouilles de renseignement côté français, on ignore tout sur l'ennemi, qui lui n'ignore rien sur la position des unités françaises.

Et c'est l'attaque allemande qui surprend. Napoléon III éprouve alors le besoin de faire une inspection et se mêle de donner des instructions qui contrecarrent celles de ses généraux. Très rapidement il est devenu indésirable au front.

Mais l'impératrice a pris goût à la régence, et prend des initiatives à l'insu de son malade de mari, qu'elle préfère mort au champ de bataille plutôt que revenant piteusement à Paris. Il devient donc personna non grata à Paris. La position de la Régente peut se résumer à : "Qu'il mourut, ou qu'un noble désespoir alors le secourut !" Elle pense surtout à la succession de son fils "Loulou" un adolescent.
Mais dans ses trajets browniens, l'Empereur se tord de douleur et doit s'arrêter souvent pour se soulager. Il eut fallu l'opérer de la vessie, avec un calcul gros comme une opaline, comme le maréchal Niel … Mais l'opération de Niel ayant tourné à la catastrophe, suite à une septicémie mortelle, on n'opérera donc pas l'Empereur, mais on le gavera d'opium et autre sédatif. C'est dans une atonie constante, entrecoupée de crises aiguës qu'on trimbalera la "marmite" comme on l'appelle, emmitouflée dans une accumulation de vêtement tellement il devient frileux.

Marches et contre-marches des troupes, rien ne fonctionne correctement du côté français, malgré des actes de bravoure insensée. Et l'armé du Rhin se réfugie, on ne sait trop pourquoi, à Metz, où finit par aboutir, lui-aussi, un Empereur qui n'est plus qu'un zombie atone et encombrant. Il n'est plus question de crier "vive l'Empereur", et on détourne les regards de cet équipage aux uniformes rutilants qui se fait de plus en plus discret.

Metz est encerclé. De même que Bazaine n'avait pas secouru Canrobert, Mac Mahon ne va pas au secours de Bazaine, de peur de se faire tourner, et Napoléon III prend sur lui de hisser le drapeau blanc pour éviter un bain de sang. Il rend son épée à son cousin, le 4 septembre 1870. Napoléon III est déclaré déchu et la République est proclamée mais la France continuera le combat jusqu'à la fin d'une guerre perdue d'avance.

La régente, ayant confié ses bijoux à la valise diplomatique, file vers l'Angleterre, que l'ex-empereur rejoindra pour y finir ses jours. Ainsi périt dans la misère physiologique le système impérial, puis commence dans un bain de sang la IIIème République. Bismark ne voulait pas de l'annexion de l'Alsace et de la Lorraine, pour éviter l'esprit de revanche. Mais le Kronprinz n'était pas de cet avis : quarante ans plus tard ce fut la première guerre mondiale, puis deux décennie après la deuxième guerre mondiale, donc au total 3 guerres perdues contre l'Allemand, malgré la subtilité politique qui voulut que la France ait gagné en 1918 (à quel prix !) puis en 1945 grâce à l'intransigeance du général de Gaulle face à la coalition alliée.




"La charge des Cuirassiers de Reichshoffen" - Tableau de Aimé Morot