NAPOLÉON III ET ABDELKADER 1853

 

Création le 22 mars 2013

Witikind a été l'adversaire redoutable et redouté de Charlemagne. Puis il s'est soumis et a été baptisé. Après avoir consulté sa biographie dans l'un des deux sites suivants ... :
 

http://www.france-spiritualites.fr/biographies-portraits/W/witikind.html
 
http://www.vallee-du-ciron.com/Documents/Ouvrages/Michelant/785.Witiking.htm




Charlemagne 742 814 recevant la soumission de Witikind à Paderborn en 785
 par Ary Schefferr 1795 1858


Vous en saurez suffisamment pour apprécier l'analogie qu'en a fait Eugène de Civry dans son livre "Napoléon III et Abd-el-Kader", publié en 1853.

Concernant Charlemagne et Witikind : "Les deux adversaires avaient disparu, il ne restait plus que deux héros qui se contemplaient l'un l'autre avec orgueil et qui s'embrassaient avec émotion".


Pour bien faire, le livre est dédié à l'Impératrice Eugénie. Donc, après avoir comparé l'entrevue du palais d'Attigny et la libération d'Ab el-Kader au château d'Ambroise, de Civry se lance dans des dizaines de pages de louange des qualités du chef arabe qu'il traite plus en ami outragé qu'en adversaire malheureux.


C'est d'abord la position d'Abd el-Kader, face au général Desmichels qui commande à Oran : " Ma religion me défend de demander la paix, mais elle me permet de l'accepter". Puis l'opinion des autorités françaises qui commence à s'effrayer de la puissance toujours croissante d'Ab el-Kader, qui s'adonne à la construction sans relâche d'un État moderne. Malgré la modération du Gouverneur Général, le maréchal d'Orlon, le général Trézel remplace le général Desmichels et se lance dans des opérations qui tournent mal. La paix est raccommodée tant bien que mal au traité de la Tafna, mais la France choisit le prétexte de la rupture dans l'expédition dite "des Portes de Fer".


Le chef local Bou Salem demande que faire à Abd el-Kader qui s'empresse de lui répondre : "La rupture vient des chrétiens. Votre ennemi est devant vous ; retroussez comme il faut vos burnous et préparez-vous au combat."
 

Mais le combat changea d'âme :

"Et d'abord le nom seul de prisonnier est un mot nouveau dans la langue de ces sauvages combattants du désert ; à Abd el-Kader appartient la gloire de l'y avoir introduit. Avant lui les prisonniers se comptaient par les têtes qu'ils rapportaient suspendues  à la selle sanglante de leurs chevaux ; c'étaient leurs trophées de gloire, et chacun de ces trophées se soldait par un riche salaire.
Abd el-Kader eut le premier la généreuse audace d'abolir, chez ces hordes fanatiques, cette prime du sang chrétien.
Au risque de compromettre sa puissance et sa popularité, il ira jusqu'à substituer le châtiment à la récompense ; et le salaire accordé auparavant à chaque tête coupée, il le tripla pour chaque prisonnier qu'on lui amenait sain et sauf. Un de ses soldats lui ayant demandé avec étonnement ce qu'il lui donnerait pour un prisonnier fait sur l'ennemi, il répondit :
- Huit douros.
- Et pour chaque tête coupée ?
- Vingt-cinq coups de bâton sous la plante des pieds, reprit tranquillement l'Émir.

 
De Civry n'oublie pas la mère d'Abd el-Kader :
"Sa bonté touchante pour les prisonnières la fait regarder par elles comme leur mère. C'est une chose vraiment admirable que l'attention et la prévoyance dont elle les entoure."


La profonde amitié entre Abd el-Kader et Monseigneur Dupuch permet un échange de prisonniers, et éventuellement l'envoi d'un aumônier, mais l'administration française y met vite le holà.


De Civris joint à ses propres louanges celles des prisonniers français.




La détention d'Ab el-Kader fait l'objet de nombreux échanges entre les politiciens français, dont de Civris se fait l'écho, ainsi que celui de la réponse intégrale d'Ab el-Kader.


Quant à la captivité d'Abd el-Kader, nous ne retiendrons que ceci :
"Nous n'essaierons pas de décrire des choses qui ne se décrivent pas. Nous dirons seulement qu'Abd el-Kader s'est montré plus grand dans la captivité qu'il ne l'avait jamais été sur le champ de bataille et qu'il a gravé son image sur les murailles des châteaux d'Henri IV et  des Valois en traits plus éclatants encore que sur les rochers de l'Atlas."


Et quand même celà, non sans humour, à un colonel qui lui rendait visite :
"Après tout, et sans faire allusion à aucun d'entre vous, je dois avoir dans l'armée française plus d'un officier qui me garde quelque reconnaissance ; car, sans moi, plus d'un colonel serait peut-être encore capitaine, et plus d'un général, colonel !"


Enfin, le Président Bonaparte vient à Amboise lui annoncer sa libération. Douze jours après, "la capitale de la France allait donner au monde le double spectacle de la plus noble reconnaissance de la part d'un vaincu et la plus noble hospitalité de la part d'un vainqueur."
- C'est la visite au Château de Saint Cloud
- La revue de nombreux détachements de l'armée française au camp de Satory
- Les visites illustres ( les visiteurs s'inscrivaient par milliers )
- La réception au spectacle de l'Opéra ( Lorsqu'on apprit qu'il se rendrait à l'Opéra, les places se vendirent à un prix fabuleux 


)
Loge du Président Bonaparte à l'Opéra

- La visite des monuments de Paris ( La Madeleine, les tours de Notre-Dame, l'Hôtel des Invalides et le tombeau de Napoléon I er, l'Imprimerie Nationale, la Bibliothèque Nationale, l'Hôtel de Ville, le Musée d'Artillerie, etc. )
- À l'hippodrome, l'ascension de deux ballons : le Zéphir et l'Éole.


Avec cet éloge à la langue française par Abd el-Kader : "Aujourd'hui que je suis l'hôte de la France, et qu'elle me traite avec une si magnanime générosité, je tiendrais à honneur de connaître une langue qui a produit tant de chefs d'œuvre et qui sert d'interprète à de si nobles sentiments, et je ne saurais trouver, ailleurs que dans les cadeaux que vous m'offrez, une plus précieuse occasion de commencer cette belle étude." (Remarquons que l'Algérie ne fait pas encore partie de la francophonie )


C'était la veille de son départ. "Non seulement les spectateurs, accourus en foule … mais la population toute entière du faubourg Saint-Antoine, se précipitant en masses compactes au devant de l'Émir, lui fit une véritable ovation, aussi affectueuse que spontanée. Ses voitures, malgré leur escorte de cavalerie ne purent qu'à grand peine se frayer un passage, et pendant près d'une heure, elles durent, tantôt stationnant forcément, tantôt avançant péniblement au pas, subir jusqu'à la porte Saint Martin les assauts affectueux de cette foule innombrable. Au risque de se faire écraser, les ouvriers s'élançaient aux portières et disaient à l'Émir, en lui offrant de chaleureuses poignées de main : Abd el-Kader, reste toujours notre ami".


Un dernier repas d'adieu, auquel participe Eugène de Civrey, et c'est le départ en train, puis en bateau. Partout, sur le passage de l'Émir, une foule sympathique l'acclame. Puis il embarque à Marseille sur le Labrador, à destination de Brousse en Turquie, avec des escales où il est fêté selon les honneurs dus à son rang.

Ce livre contient un grand nombre de textes d'allocutions, et constitue donc un document de première main.