LE DROIT DE GRÈVE ET LA LOI DE 1864

 
Grève au Creusot - c : Photo12.com

Création le 12 février 2014
Modification 1 le 28 janvier 2019

 
Thierry Choffat, universitaire et militant bonapartiste, est Docteur en sciences politiques et enseignant à l'Université de Nancy.

 Dans l'excellente Revue du Souvenir Napoléonien de décembre 2009, Thierry Choffat a fait un article sur le droit de grève et la loi de 1864. illustrant l'œuvre sociale de Napoléon III ; cette œuvre s'applique aussi aux sociétés de secours mutuel, à la retraite des fonctionnaires, au développement de l'enseignement, ou encore à la participation des ouvriers aux bénéfices et à la vie des entreprises. Toutes choses qu'on n'enseigne pas à l'école.

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Le droit de grève est un droit essentiel pour les salariés afin de prévenir les abus en leur défaveur. Mais il doit être réglementé  par un devoir tout aussi essentiel pour éviter une rente abusive. "Il faut savoir terminer une grève dès que satisfaction a été obtenue" (Maurice Thorez). Avec un bémol : il faut savoir ne pas demander la lune.

Un bon exemple récent est la grève générale de mai 1968, qui a failli, à quelques jours près, conduire la France à la paralysie totale, suivie par des troubles difficilement contrôlables. Nous en savons quelque chose, pour avoir été l'un des signataires des accords de Grenelle.


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Dans son rapport présenté et voté à l'Assemblée nationale en juin 1791, Isaac René Guy Le Chapelier dénonce la perversité des coalitions d'ouvriers :
"Il ne doit pas être permis aux citoyens de certaines professions de s'assembler pour leur prétendus intérêts communs". 



En avril 1803, une loi rajoute une peine d’emprisonnement. Quant au code pénal de 1810, toutes les coalitions ouvrières sont considérées comme des délits, alors que seules les coalitions abusives patronales le sont. Mais avec le développement industriel, les coalitions et les grèves qui en résultent deviennent de plus en plus nombreuses. Sous la Monarchie de Juillet, certaines tournent à l’émeute.


La révolte des canuts désigne plusieurs soulèvements ouvriers ayant lieu à Lyon, en France, en 1831 puis 1834 et 1848. Il s'agit de l'une des grandes insurrections sociales du début de l’ère de la grande industrie. Leur mot d’ordre : « Vivre en travaillant ou mourir en combattant ».

En 1862, le comportement de l’Empereur Napoléon III, qui voulait à tout prix une évolution de la situation, face à la condamnation d’une série de typographes, est décisif et va marquer les débuts d’un grand bouleversement : Le président d’une société typographique ordonne le départ  de tous les compositeurs qui protestent contre le recrutement massif d’une main d’œuvre féminine sous-payée. Le président est aussitôt emprisonné avec 25 compositeurs. L’Empereur gracie tous les condamnés le 23 novembre 1862.

Le député républicain Darimon demande l’abolition des articles du code pénal. En 1864, l’Empereur annonce la nécessité d’une réforme de la loi. Le républicain Émile Ollivier est nommé rapporteur et résume l’esprit d’une nouvelle loi : « Liberté absolue de la coalition à tous les degrés, répression rigoureuse de la violence et de la fraude. »



L’Empereur, relayé par son ministre le duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, obtient l’approbation d’une nouvelle loi par le Corps Législatif le 25 mai 1864.


La loi est votée le 25 mai 1864, avec 121 voix pour et 31 contre. Elle légalise la "grève sans violence et attentat à la liberté du travail". Cette loi est accueillie avec joie par l'ensemble des ouvriers. Quant au patronat, c'est avec colère qu'il l'a reçoit.


"La magistrature, quant à elle, a fait preuve d'un grand désarroi, d'autant plus qu'elle a été très rapidement confrontée aux problèmes de son application concrète. Ainsi pour les ouvriers qui comptaient se réunir en vue d'une grève devaient obtenir le droit à la Préfecture de police qui avait tout pouvoir pour l'accorder ou la refuser."

C'est pourquoi, en 1868, la loi octroie la liberté de réunion : une simple déclaration, avec préavis de trois jours suffit pour organiser une réunion. Cette loi va profondément bouleverser l'esprit et le mode de vie des ouvriers français et plus largement des salariés.

La vigueur de l'expansion économique française pendant le Second Empire a été assortie d'une hausse du coût de la vie. Cette loi a offert une possibilité de rééquilibrage social.

Nous laissons la conclusion à Thierry Choffat :

Contrairement à ce que croit souvent le public, le  droit de grève n'a été octroyé ni par le Front Populaire, ni par la Libération, mais bel et bien par Napoléon III. Alors qu'actuellement le droit de grève est souvent soit remis en question soit utilisé avec abus, il serait judicieux de se remémorer l'esprit de la loi de 1864 résumé par Émile Ollivier : " Liberté absolue de la coalition à tous les degrés, répression vigoureuse de la violence et de la fraude."


Napoléon III - Compiègne